Le plus souvent, s’il a survécu au voyage ( chargé dans des paniers sur des charrettes à travers les routes chaotiques de campane), l’enfant se retrouve loin de ses parents naturels et en compagnie de plusieurs autres petits enfants car la nourrice a souvent plusieurs pensionnaires pour augmenter ses revenus. Surchargée de travail, elle ne peut pas surveiller d’assez près les enfants et les accidents sont nombreux. Même le sommeil peut être dangereux. Les bébés dorment dans des sacs suspendus aux murs (pour ne pas être dévoré par un animal) et parfois aussi dans le lit de la nourrice qui quelquefois en écrase un dans son sommeil.
Il arrive que la nourrice se comporte trop durement avec un nourrisson ou au contraire que l’enfant s’y attache comme à sa propre mère. Par ailleurs, on s’inquiète du manque de soin et de propreté de certaines nourrices
Au XIIème siècle, sont érigés à Paris des "bureaux des nourrices" gérés par des femmes nommées recommanderesses et chargées du recrutement des nourrices. Les nourrices doivent passer devant un médecin qui goutera le lait pour être sûr de sa qualité.

bureau des nourrices
Vers 1350, la notion de salaire apparaît : un Edit Royal fixe le montant des sommes versées aux nourrices.
Au XVIIIème siècle, le phénomène atteint toutes les couches sociales : les femmes ouvrière envoient leur nouveau-né à la campagne. Mais n'est pas nourrice qui veut. Un " code des nourrices" apporte une réglementation dans ce marché anarchique et les curés sont chargés de délivrer les certificats de moralité.
Devant répondre à certains critères ( morphologie, âge, caractère ... ) les nourrices ne sont pas assez nombreuses pour combler les demandes.
La mise en nourrice de jeunes bébés fut au XVIIIème siècle une grande cause de la mortalité infantile.
A cette période, un bébé sur quatre mourait avant son douzième mois et un bébé sur deux seulement arrivait à atteindre l’âge de l’adolescence. Cela était dû, d’une part, au manque d’hygiène et d’autre part, au manque d’attention dont bénéficiait le nouveau-né.
C’est à cette époque que l’on situe la prise de conscience collective (autorités militaires, politiques et médicales) du problème posé par l’alimentation du nourrisson
Bien qu'un mouvement en faveur de l'allaitement maternel voit le jour à la fin du XVIIIème autour des idées de Rousseau et que les notions d' hygiène progressent, le XIXème représente l'apogée de "l' industrie nourricière " (expression de l'époque). Il s'agit d'une activité de service, à domicile, soumise aux lois de l'économie de marché.
A PARTIR DE 1850
Le contrôle médical des enfants issus des milieux populaires s’étend. Des sociétés de protection infantile apparaissent et les enfants accueillis en nourrice sont très suivis.
Une première législation, la loi Roussel, en 1874, institue un code des droits et des devoirs de la nourrice pour lutter contre la mortalité et les abus liés aux placements nourriciers.
Apparaît la "nourrice sur lieu", qui est embauchée dans la famille, nourrie et logée par ses patrons, à opposer à " la nourrice à emporter".
La mortalité infantile est de l'ordre de 75% et peut atteindre 90% dans certains départements comme le Calvados. Ceci émeut les pouvoirs publics qui nomme un Comité de protection de l'enfance et impose une surveillance de la famille d'accueil par un Médecin. (Loi ROUSSEL, 1874).
